A chaque geste pictural préexiste le même dispositif d’imprégnation : je tente de dévouer ma conscience aux réminiscences qui habillent des scènes croisées par hasard ou consommées à dessein, qui encombrent des paroles lues et entendues, des objets abandonnés sur ma piste.
Photos de famille, cartes postales, définitions, SMS – autant de théâtres où se profilent les spectres de pensées, de passions abandonnées, d’émotions révolues. Je collecte ces reliquats de sensibilités afin de constituer un langage neuf qui ambitionne, plutôt que de restaurer avec exactitude des impressions et sentiments, d’en transporter l’impact.

Aujourd’hui, bien que je souhaite continuer d’alimenter ma réflexion sur le souvenir et la façon dont il détermine le possible, j’aimerais envisager plus spécifiquement l’idée d’évolution : la mienne évidemment, de la « petite fille » à la « femme », mais aussi celle des pensées, des actes que l’on pose sur son passage, de l’importance que l’on alloue aux éléments qui composent nos histoires. Nous nous efforçons en permanence de nous situer dans une réalité que nous sentons pourtant friable, exposés que nous sommes à la dissipation de toute forme de conscience. Nous n’avons définitivement pas tout notre temps, c’est aussi le cas de nos proches. De ce constat, j’estime qu’il est possible de dégager un impératif simple : Il faut édifier notre expérience du monde et des autres tant que c’est encore possible. Constituer des souvenirs, car ils sont les seuls à demeurer, à pouvoir rappeler le temps, l’étirer. Cela implique d’interroger le rapport que nous entretenons vis-à-vis de la réalité et surtout la manière dont nous intervenons sur cette dernière.

J’envisage de ce fait d’étendre ma perspective à de nouvelles considérations, éventuellement plus sociétales, de ne plus uniquement explorer l’anatomie de mémoires liées à mon histoire mais également de dévoiler mes intuitions sur des récits collectifs, à travers une démarche plastique que je continue d’étoffer.